Analyse RH du marché de l’emploi québécois — septembre 2025
Le marché de l’emploi québécois en 2025 illustre un paradoxe qui interpelle directement les employeurs et les gestionnaires RH. Depuis le début de l’année, la province a connu une création nette d’emplois (+23 400 en juin selon Statistique Canada), mais le taux de chômage a tout de même progressé pour atteindre 6,3 %. Comment expliquer qu’un marché en croissance affiche simultanément une hausse du chômage ?
La réponse se trouve dans la dynamique du taux d’activité. Celui-ci est monté à 65,4 % en juin, ce qui signifie que davantage de personnes sont revenues sur le marché du travail. Les jeunes de 15 à 24 ans se distinguent particulièrement avec une progression de 2,9 points, signe d’une arrivée massive d’étudiants et de nouveaux chercheurs d’emploi. Cet afflux a gonflé le bassin de main-d’œuvre plus rapidement que la capacité d’absorption des entreprises.
Parallèlement, la qualité des emplois créés interroge. Le temps partiel a bondi de 40 700 postes, tandis que le temps plein reculait de 17 300. Une tendance qui soulève des questions de stabilité, de rétention et de fidélisation.
À l’échelle canadienne, la situation contraste : le chômage a légèrement reculé à 6,9 %, et plusieurs provinces comme l’Ontario (+21 200 emplois) ou l’Alberta (+30 000) affichent une croissance plus robuste. Le Québec suit donc une trajectoire particulière, marquée par la combinaison de facteurs démographiques, sectoriels et structurels.
Pour les employeurs RH, ce contexte appelle à une vigilance accrue : comment tirer profit d’un bassin plus large, tout en surmontant les défis de compétences, de précarité et de roulement ?
Les chiffres clés : un marché en transition
En septembre 2025, les tendances observées cet été se confirment. L’emploi global se maintient autour de 4,65 millions, mais la répartition entre temps plein et temps partiel reste déséquilibrée.
- Emplois à temps plein : recul de 17 300 postes en juin, tendance persistante à l’automne.
- Emplois à temps partiel : hausse de 40 700, soutenue par les étudiants et les secteurs saisonniers.
- Secteur privé : +10 300 emplois.
- Secteur public : +6 300, surtout en santé et éducation.
- Travailleurs autonomes : +6 800, reflet d’un marché qui pousse certains à créer leur propre activité.
Le taux de chômage à 6,3 % reflète moins une crise qu’un désajustement temporaire. L’augmentation du taux d’activité (+0,5 point) indique une volonté accrue de participer au marché du travail. En clair, les emplois se créent, mais pas toujours au rythme ou dans les secteurs correspondant aux attentes des candidats.
Actions clés pour les RH
- Anticiper les fluctuations saisonnières (temps partiel vs temps plein).
- Miser sur la polyvalence des employés pour absorber les variations.
- Revoir les offres pour rendre les postes plus attractifs face à une concurrence accrue.
Les dynamiques générationnelles et sectorielles
Les jeunes au rendez-vous
Le groupe des 15–24 ans affiche une hausse notable de son taux d’activité (+2,9 points) et un taux d’emploi de 62,3 %. Mais leur chômage reste élevé à 11,5 %. Cette situation illustre la difficulté persistante de l’intégration professionnelle des jeunes, malgré leur disponibilité.
Les 25–54 ans : colonne vertébrale du marché
Avec un taux d’emploi de 85,8 %, cette tranche reste la plus stable. Cependant, leur chômage a aussi progressé (+0,3 point), signe d’un marché plus compétitif.
Les 55 ans et plus : retrait graduel
Leur taux d’emploi recule à 32,4 % (–0,6 point). Ce glissement traduit à la fois des retraites anticipées et une certaine difficulté à maintenir les travailleurs expérimentés en emploi.
Lecture sectorielle
- Secteur public : croissance continue, portée par la santé et l’éducation.
- Secteur privé : reprise modeste, avec un dynamisme inégal selon les industries (TI, construction et services en tête).
- Travail autonome : en expansion, reflet d’une quête de flexibilité et d’indépendance.
Actions clés pour les RH
- Développer des programmes de mentorat pour transmettre l’expertise des 55+.
- Offrir des conditions stables pour fidéliser les jeunes talents.
- Renforcer les programmes de formation pour les 25–54 ans.
Québec vs Canada : un décalage persistant
Alors que le Canada dans son ensemble affichait en juin un recul du chômage (6,9 %, –0,1 point), le Québec voyait son taux grimper à 6,3 %. L’Ontario (+21 200 emplois) et l’Alberta (+30 000) ont tiré leur épingle du jeu, tandis que la Colombie-Britannique (+5 000) maintenait un rythme modéré.
Le Québec se distingue par une hausse plus rapide du bassin de chercheurs d’emploi que la capacité d’embauche des entreprises. L’inadéquation des compétences accentue ce décalage : même si des postes existent, ils ne trouvent pas toujours preneur.
Actions clés pour les RH
- Investir dans la formation continue et le rehaussement des compétences.
- Collaborer avec les institutions d’enseignement pour ajuster les programmes.
- Miser sur la marque employeur pour attirer malgré une concurrence nationale accrue.
Projections pour l’automne 2025
L’automne 2025 s’annonce contrasté. D’un côté, la rentrée scolaire entraîne une vague d’emplois à temps partiel. De l’autre, certains secteurs clés continuent de recruter massivement.
Secteurs porteurs
- Santé et services sociaux : besoins constants, accentués par les départs à la retraite.
- Technologies de l’information : croissance soutenue par la transition numérique.
- Construction : activité encore forte jusqu’à la fin de la saison.
Risques et incertitudes
- Manufacturier : ralentissement lié à la demande extérieure.
- Pressions salariales : hausse du coût de la vie obligeant à ajuster les salaires.
- Retraites anticipées : creusement des besoins de relève.
Actions clés pour les RH
- Planifier dès maintenant les besoins jusqu’en janvier 2026.
- Adapter les échelles salariales et les avantages sociaux.
- Mettre en place des stratégies de rétention proactives.
Transformer l’incertitude en opportunité
Le bilan de septembre 2025 met en lumière un marché québécois en transition. Les emplois se créent, mais la hausse du chômage traduit une compétition accrue et une inadéquation persistante. Les jeunes arrivent en masse, le temps partiel progresse, et les travailleurs expérimentés se retirent progressivement.
Pour les employeurs RH, le défi est double : tirer parti de ce bassin élargi tout en réduisant le décalage entre compétences disponibles et besoins réels.
Cela passe par :
- Des programmes de formation ciblés,
- Une rémunération adaptée au contexte inflationniste,
- Une stratégie de marque employeur forte pour attirer et fidéliser.
En 2026, les organisations capables d’anticiper ces tendances auront un avantage compétitif durable. Le marché ne se dirige pas vers une crise, mais vers une reconfiguration où l’agilité et la vision stratégique feront la différence.