Quand les professionnels RH regrettent d’être partis…

Chaque année, des centaines de professionnels en ressources humaines (RH) au Québec prennent une décision difficile : quitter leur poste actuel dans l’espoir d’une meilleure opportunité. Pourtant, une donnée dérangeante émerge des sondages récents : 32 % d’entre eux disent regretter leur départ moins d’un an après avoir changé d’employeur.

Les « regrets RH » sont rarement exprimés publiquement. Ils sont souvent enfouis dans le silence, la pudeur ou la honte. Pourtant, ils existent — et ils révèlent une réalité peu documentée : les professionnels RH sont très compétents pour guider les autres dans leurs transitions, mais très peu outillés pour gérer leur propre carrière.

Pourquoi tant de regrets après un départ ? Parce qu’on quitte parfois sous l’effet d’un trop-plein, sans plan, ou avec des attentes irréalistes. On pense fuir une culture dysfonctionnelle pour atterrir dans un modèle plus humain, plus stimulant. Mais on découvre que les vrais enjeux ne sont pas toujours visibles en entrevue. Ou que la reconnaissance ne suit pas. Ou pire : qu’on a laissé derrière soi un poste stratégique dans une organisation en pleine transformation.

Cet article propose un regard lucide et concret sur les 25 regrets les plus fréquents des RH après avoir quitté leur emploi. Mais surtout, il vous offre un guide de réflexion stratégique, à faire avant de poser ce geste irréversible.

Les 25 regrets RH les plus fréquents après un départ

Voici une liste construite à partir de témoignages, d’études terrain et d’observations concrètes dans le monde RH québécois. Chaque regret est formulé tel qu’il pourrait être vécu… suivi d’une question stratégique à se poser avant de partir.

  1. « J’aurais aimé me battre plus pour changer les choses. » Ai-je vraiment tout tenté pour faire évoluer mon rôle ?
  2. « J’ai quitté une équipe soudée pour un poste plus prestigieux… et je me sens isolée. » L’ambiance de travail est-elle plus importante que je ne veux l’admettre ?
  3. « Je ne réalisais pas que ma voix était entendue là où j’étais. » Ai-je conscience de mon influence réelle dans mon poste actuel ?
  4. « J’ai suivi une promesse de salaire, mais j’ai perdu le sens. » Est-ce que je quitte pour contribuer ou pour compenser ?
  5. « On m’avait promis de l’autonomie… mais je suis sous supervision constante. » Ai-je validé le pouvoir réel associé au poste ?
  6. « Je ne pensais pas devoir rebâtir ma crédibilité à zéro. » Suis-je prête à repartir sans mon statut acquis ?
  7. « J’avais une marge de manœuvre énorme… que je n’ai jamais retrouvée. » Mon autonomie actuelle est-elle mieux que je ne le crois ?
  8. « L’équipe RH est dysfonctionnelle, je n’avais pas vu ça venir. » Ai-je rencontré suffisamment de personnes avant d’accepter ?
  9. « J’étais alignée avec les valeurs de mon ancienne entreprise. Ici, c’est flou. » Les valeurs de la nouvelle organisation sont-elles incarnées… ou marketing ?
  10. « Je n’ai pas pris le temps de réfléchir sérieusement avant de dire oui. » Suis-je dans une démarche de transition consciente ou réactive ?
  11. « Je ne savais pas à quel point j’étais écoutée, même en silence. » Est-ce que j’ai évalué mon pouvoir d’influence informel ?
  12. « J’ai abandonné un projet RH majeur juste avant qu’il porte fruit. » Suis-je sur le point de récolter ce que j’ai semé ?
  13. « J’ai quitté sans transmettre mon savoir… et ça me hante. » Est-ce que je peux structurer un passage de relais avant mon départ ?
  14. « J’avais enfin gagné ma place au comité de direction. » Est-ce que je laisse tomber une crédibilité durement gagnée ?
  15. « J’étais en train de bâtir une culture qui me ressemblait. » Est-ce que j’abandonne trop vite une transformation que j’ai initiée ?
  16. « Je pensais que l’autre entreprise serait plus humaine. Elle est juste plus politique. » Ai-je validé les comportements réels, pas juste les valeurs affichées ?
  17. « Le nouveau poste est prestigieux, mais je ne suis plus sur le terrain. » Suis-je encore connectée aux humains derrière les ressources ?
  18. « Mon rôle est devenu flou. Je fais tout… mais j’existe peu. » Est-ce que mon prochain rôle est défini, clair et reconnu ?
  19. « J’ai perdu ma liberté d’expérimenter. Ici, tout est verrouillé. » Quelle est la marge de manœuvre réelle dans le prochain poste ?
  20. « J’ai quitté par loyauté envers moi-même… mais j’ai oublié ma mission. » Ma décision est-elle alignée avec mon engagement professionnel profond ?
  21. « J’ai perdu mon équilibre travail-vie personnelle que j’avais enfin trouvé. » Est-ce que je protège mon mode de vie ou je le mets à risque ?
  22. « Mon nouveau gestionnaire ne comprend pas la fonction RH. » Est-ce que j’ai rencontré mon futur gestionnaire dans un vrai échange stratégique ?
  23. « J’ai quitté pour fuir… pas pour construire. » Est-ce que ma démarche est réactive ou réellement proactive ?
  24. « Je n’avais pas réalisé que l’ancien poste me permettait de grandir. » Est-ce que je vois encore l’opportunité d’apprentissage dans ce que je fais ?
  25. « J’ai appris que partir, ce n’est pas toujours progresser. » Est-ce que ce changement est une élévation… ou une distraction ?

Pourquoi les regrets RH sont si fréquents ?

Il y a un paradoxe important à comprendre : les RH savent gérer la carrière des autres… mais souvent pas la leur.

Selon l’Université Laval, près de 68 % des transitions de carrière en RH se font sans démarche structurée. Il n’y a ni diagnostic, ni validation sérieuse du prochain environnement, ni accompagnement externe.

Pourquoi ? Parce que les RH sont souvent surchargés. Ils n’ont ni le temps ni l’espace mental pour penser à eux-mêmes. Ou parce qu’ils sont épuisés, désillusionnés, et sautent sur la première opportunité… qui semble offrir un peu d’air. Mais cette décision, prise en état de fatigue ou de frustration, peut coûter cher.

Résultat : un sentiment de trahison intérieure, un doute sur sa propre compétence, et une perte de confiance qui peut durer plusieurs mois.

La solution : reprendre le contrôle avec 3 leviers puissants

Voici trois leviers concrets pour éviter de tomber dans le piège des regrets RH :

1. Faire un diagnostic de carrière

Avant toute décision, prenez un moment pour faire le point :

  • Qu’est-ce que j’aime encore dans mon rôle ?
  • Qu’est-ce qui me gruge ?
  • Suis-je aligné avec mes valeurs ?
  • Est-ce que j’ai encore de l’impact ?

Un bon diagnostic vous permet de faire un choix éclairé, non émotif. Nous offrons d’ailleurs un canevas de diagnostic sur demande.

2. Valider les vérités invisibles du futur poste

Avant d’accepter une offre, validez ce qui ne figure pas dans la description :

  • Quel est le vrai pouvoir d’influence RH dans cette organisation ?
  • Quelle est la place du service RH dans les décisions stratégiques ?
  • Est-ce qu’on veut un stratège ou un exécutant RH ?
  • Rencontrez un membre de l’équipe actuelle. Parlez à d’anciens employés. Osez poser des questions difficiles.

3. S’entourer d’un regard externe neutre

Un mentor, un CRHA, un coach RH peuvent vous aider à voir plus clair. Un regard externe peut vous éviter une mauvaise décision.

  • Consultez un pair RH qui a vécu une transition récente.
  • Discutez avec un professionnel de l’Ordre.
  • Demandez une séance ponctuelle d’accompagnement.

Les regrets RH ne sont pas une fatalité : ils sont une invitation à mieux décider

Les regrets professionnels ne sont pas un échec. Ce sont des signaux. Ils nous parlent de ce que nous avons ignoré, de ce que nous avons accepté trop vite, ou de ce que nous n’avons pas su nommer au bon moment. En ressources humaines, ces regrets prennent souvent une tournure plus profonde, car le rôle est relationnel, sensible, et souvent en tension entre le stratégique et l’opérationnel. Lorsqu’un professionnel RH quitte une entreprise, il ne quitte pas qu’un poste : il quitte une influence, des dossiers porteurs, une culture, et souvent, une partie de son identité.

Les regrets RH les plus douloureux ne viennent pas d’avoir changé d’emploi, mais d’avoir sous-estimé l’impact de ce changement sur sa trajectoire. Avoir quitté sans plan. Avoir cru une promesse creuse. Avoir espéré une reconnaissance externe, alors qu’il aurait fallu d’abord se recentrer.

La bonne nouvelle ? Ces regrets peuvent être évités. Pas avec des promesses, ni avec des titres, mais avec une stratégie de carrière personnelle solide. Prendre le temps de se poser, de réfléchir, de poser les vraies questions. De redevenir l’architecte de sa propre trajectoire, comme on le fait si bien pour les autres.

Dans un monde du travail qui évolue rapidement, les RH doivent incarner le changement… sans s’y perdre. Ils méritent de décider en conscience, et non par fatigue. Alors avant de partir, posez-vous une dernière question : Est-ce que je quitte par réaction… ou par conviction ? La différence entre les deux, c’est exactement ce qui sépare l’ambition d’un regret RH.