Marché du travail en décembre : saisonnalité, coupures abruptes, bassin de talents et stratégies gagnantes pour employeurs et travailleurs.

Décembre est un mois paradoxal. Alors que les Québécois se préparent aux Fêtes, le marché du travail traverse chaque année une zone de turbulence prévisible, mais souvent mal comprise. Les données de Statistique Canada montrent que l’emploi baisse presque systématiquement en décembre : −0,3 % en 2023, −0,4 % en 2022, avec des chutes concentrées dans la construction, le manufacturier, les services professionnels et le commerce après le cycle Black Friday–Noël.

L’Institut de la statistique du Québec rappelle que plus de 223 000 postes demeuraient vacants en 2023, confirmant une réalité : les pertes de décembre n’effacent pas la pénurie structurelle qui persiste. L’exemple le plus marquant de 2024 demeure celui de l’Agence du revenu du Canada (ARC). À la mi-novembre, environ 600 employés contractuels en Recouvrement et Vérification ont été avisés que leur contrat prendrait fin prématurément, certains dès le 29 novembre, tous au plus tard le 13 décembre. L’annonce, faite juste avant les Fêtes, a eu l’effet d’un électrochoc.

Le Syndicat des employé-e-s de l’Impôt a rappelé qu’un agent de recouvrement peut récupérer entre 1 et 5 millions de dollars par année, faisant de ces coupures non seulement un choc humain, mais un non-sens financier pour l’État. Cet exemple a cristallisé une réalité déjà vécue dans plusieurs secteurs québécois : décembre n’est jamais un mois comme les autres. Ces pertes d’emploi touchent des personnes réelles, souvent engagées et performantes, qui n’avaient rien demandé. Les coupures inattendues frappent plus fort en fin d’année, quand les familles comptent leurs dépenses, quand les enfants attendent les cadeaux, quand les travailleurs pensaient avoir franchi un autre cycle.

Pourtant, décembre peut aussi être un levier lorsqu’on comprend le cycle du marché, lorsqu’on sait comment y réagir et lorsqu’on transforme cette pause forcée en stratégie de relance.

Cet article propose un éclairage complet : comprendre le choc, saisir les occasions et agir intelligemment — pour les travailleurs comme pour les employeurs.

Comprendre la saisonnalité : pourquoi décembre entraîne systématiquement des pertes d’emplois

Les pertes d’emplois en décembre suivent un cycle économique récurrent. Les entreprises ferment leurs budgets, les contrats temporaires arrivent à échéance, les activités ralentissent dans les secteurs météo-dépendants, et les organisations publiques attendent les autorisations budgétaires de l’année suivante.

Selon Statistique Canada, les secteurs les plus touchés en décembre sont :

  • La construction (ralentissement des chantiers) ;
  • La fabrication (arrêts planifiés) ;
  • Les services professionnels (contrats de fin d’année) ;
  • Le commerce de détail (heures coupées après les ventes de Noël).

Les chercheurs d’emploi diminuent leur activité entre le 15 décembre et le 5 janvier, avec une baisse estimée entre 18 % et 25 % des candidatures. Moins de candidatures ne signifie pas moins de talents : simplement moins de mouvement.

Actions clés — travailleurs et employeurs

  • Analyser les cycles propres à son secteur.
  • Ne pas interpréter décembre comme un signe de crise.
  • Maintenir une activité professionnelle minimale (réseau, formation).
  • Préparer les recrutements ou candidatures pour la relance du 8 janvier.
  • Surveiller les secteurs contracycliques (santé, social, TI, transport).

Décembre n’annonce pas la fin du marché : il marque seulement une respiration.

Le choc humain des pertes d’emploi juste avant les Fêtes

Perdre son emploi en décembre est émotionnellement plus lourd qu’à n’importe quel autre moment. La pression financière augmente, la culpabilité familiale apparaît, et l’injustice ressentie est amplifiée. L’exemple de l’ARC l’a démontré : une coupure soudaine peut bouleverser la vie de centaines de familles.

Au Québec, la solidarité demeure toutefois un pilier. Lorsqu’un employé perd son poste injustement, son réseau — collègues, anciens gestionnaires, amis, communauté professionnelle — s’active rapidement. C’est un phénomène typiquement québécois : un employé performant ne se retrouve jamais seul longtemps.

Cette solidarité crée un levier positif inattendu : les employeurs qui recrutent en décembre peuvent accéder à un bassin de talents exceptionnel, souvent recommandé par d’autres.

Actions clés — travailleurs

  • Parler ouvertement de sa situation au réseau proche.
  • Identifier ses valeurs actuelles avant de postuler.
  • Éviter les décisions précipitées dictées par la peur.
  • Profiter du mois pour mettre à jour CV et compétences.
  • Solliciter les références de collègues avant la pause des Fêtes.

Un emploi perdu fait mal, mais un réseau mobilisé peut devenir une force incomparable

Décembre : un moment d’or pour les employeurs — même si peu l’utilisent

La plupart des entreprises québécoises commettent la même erreur : attendre janvier pour afficher leurs postes. Pourtant, cela signifie perdre les meilleurs talents. Les candidats les plus performants — ceux issus de coupures ou de fins de projets — sont souvent disponibles en décembre. Leur motivation est plus forte, leur recherche est active, et leur réseau les soutient avec énergie.

Selon les données les plus récentes de l’ISQ et de Statistique Canada, le Québec enregistre encore un volume élevé de postes vacants en fin d’année, malgré les pertes saisonnières de décembre. Ce décalage montre que plusieurs organisations ne saisissent pas pleinement les talents disponibles au moment où ils deviennent accessibles.

Actions clés — employeurs

  • Afficher les postes stratégiques avant le 10 décembre.
  • Contacter les candidats passifs pendant qu’ils sont disponibles.
  • Organiser les premiers entretiens avant les Fêtes.
  • Éviter le « gel de décembre » complet en recrutement.
  • Tirer profit des recommandations communautaires.

Ceux qui recrutent en décembre n’ont pas plus d’argent : ils ont plus de courage — et plus de talents.

Pour les travailleurs : transformer une perte en décembre en levier de relance

Décembre est un moment idéal pour revoir sa trajectoire professionnelle. Les candidats qui prennent le temps d’identifier ce qu’ils veulent réellement — équilibre, valeurs, secteur, conditions — se retrouvent avantagés en janvier, alors que les autres postulent en panique.

Les données du Conference Board montrent que les transitions professionnelles réussies commencent souvent par une période de recul, non par un élan de panique.

Actions clés — travailleurs

  • Établir trois objectifs professionnels précis pour janvier.
  • Réfléchir à ses valeurs essentielles.
  • Prendre contact avec 10 personnes de son réseau avant le 20 décembre.
  • Faire 1 micro-formation ou certif courte (4–8 h).
  • Identifier 5 employeurs cibles à approcher dès le 8 janvier.

Chercher un emploi dans l’urgence, c’est comme chercher un parapluie sous l’orage : vous prenez le premier, pas le meilleur.

Préparer la reprise : janvier est historiquement un mois de relance forte

Statistique Canada observe une création de 20 000 à 40 000 emplois en janvier presque chaque année, suivant les coupures de décembre. Les budgets se débloquent. Les chantiers repartent. Les nouvelles priorités RH s’enclenchent. Les candidats se remettent en mouvement.

Les employeurs qui ont commencé en décembre démarrent janvier avec un avantage décisif :

  • Les meilleurs CV sont déjà identifiés ;
  • Les entrevues préliminaires sont faites ;
  • Les décisions finales se prennent avant la compétition.

Actions clés — employeurs et travailleurs

  • Calendrier de janvier prêt avant Noël.
  • Priorisation des postes critiques.
  • Stratégie d’affichage dès les premiers jours de l’année.
  • Activation du réseau professionnel.
  • Analyse du marché local via Emploi-Québec et ISQ.

La vraie concurrence ne commence pas en janvier : elle se gagne en décembre.

À retenir…

Décembre bouleverse le marché de l’emploi québécois, mais il n’annonce ni crise ni déclin. C’est un mois de transition, parfois brutal, parfois porteur. Les pertes d’emplois — qu’elles soient structurelles, saisonnières ou soudaines comme celles vécues à l’ARC — révèlent une réalité essentielle : le marché du travail du Québec reste tendu, en transformation et traversé par des pénuries profondes.

Une coupure peut représenter une rupture pour un individu, mais elle crée simultanément un espace où des organisations recherchent activement des profils qualifiés.

Pour les travailleurs, décembre n’est pas un échec : c’est une pause stratégique. La période offre du recul pour clarifier ses objectifs, réévaluer ses valeurs et préparer des candidatures solides pour janvier. Les réseaux québécois jouent un rôle immense. Lorsqu’une personne perd son emploi injustement, sa communauté s’active rapidement, ouvrant des portes et proposant des pistes. La dignité et la solidarité restent des forces majeures du Québec.

Pour les employeurs, décembre est une opportunité sous-estimée. Attendre janvier signifie perdre les talents disponibles, spécialement ceux issus de secteurs publics ou parapublics frappés par des coupures rapides. Les organisations qui osent afficher tôt, rencontrer tôt et décider tôt développent un avantage réel. Elles captent des travailleurs de très haut niveau, souvent encore disponibles avant la ruée.

Décembre impose un rythme différent, mais pas une fatalité. En comprenant ce cycle, les Québécois peuvent transformer ce mois délicat en tremplin. En 2025, dans un marché en mutation rapide, ceux qui anticipent sortiront gagnants — travailleurs comme employeurs.


FAQ

  1. Pourquoi les pertes d’emplois sont-elles plus fréquentes en décembre ? Parce que les entreprises ferment leurs budgets, les contrats temporaires arrivent à échéance et la construction ralentit avec l’hiver.
  2. Est-ce que décembre annonce une crise du marché du travail ? Non. Les baisses sont saisonnières. Le Québec maintient plus de 200 000 postes vacants même en fin d’année.
  3. Est-ce un bon moment pour chercher un emploi ? Oui. Il y a moins de candidats en décembre et les décideurs sont plus disponibles.
  4. Pourquoi les employeurs devraient-ils afficher avant janvier ? Parce que les meilleurs talents se replacent rapidement, souvent avant la rentrée de janvier.
  5. Que faire si je perds mon emploi juste avant les Fêtes ? Activer votre réseau, clarifier vos objectifs, éviter les décisions impulsives et préparer votre relance dès janvier.
  6. Préparez votre relance de janvier : publiez ou explorez les offres dès aujourd’hui.

Références officielles

  • Statistique Canada — Enquête sur la population active (EPA) : Données mensuelles sur l’emploi, le chômage, la saisonnalité et les variations régionales.
  • Institut de la statistique du Québec (ISQ) — Emploi et marché du travail : Indicateurs sur les postes vacants, la mobilité professionnelle, les tendances sectorielles.
  • IMT/Emploi-Québec — Indicateurs du marché du travail : Portraits régionaux, secteurs en croissance ou en ralentissement, analyses saisonnières.
  • Syndicat des employé-e-s de l’Impôt (SEI) — Communiqués officiels (novembre 2024) : Données vérifiées sur les coupures de l’ARC et les impacts humains et financiers.
  • Conference Board du Canada — Tendances en transition professionnelle : Études sur la mobilité en période de ralentissement, transitions post-coupure et stratégies de relance.
  • Conseil du Trésor du Canada/Fonction publique fédérale : Informations publiques sur les restrictions budgétaires et les impacts sur les contrats déterminés.
  • Commission de la construction du Québec (CCQ) — Bulletin statistique annuel : Données saisonnières historiques concernant les arrêts de chantiers et les fluctuations d’emploi.