La fidélisation des employés est l’un des sujets les plus étudiés en ressources humaines. Depuis plus d’un siècle, statistiques, enquêtes et publications s’accumulent pour expliquer pourquoi les employés restent… ou quittent. Dès les années 1920, les chercheurs en relations industrielles s’y intéressaient déjà. Les célèbres expériences de Hawthorne (1924-1932), menées par Elton Mayo à Chicago, ont marqué un tournant. Elles ont révélé que la motivation des employés ne dépendait pas uniquement des conditions matérielles, mais aussi de la reconnaissance, de la dynamique sociale et du sentiment d’appartenance. Ces résultats sont devenus les bases de la psychologie du travail moderne. Depuis, des milliers d’études ont confirmé ces constats. Pourquoi, malgré 100 ans de données, les mêmes problèmes persistent encore dans les entreprises ?
Le courage d’agir
En 2025, le Québec en offre une parfaite illustration. Le taux de chômage est bas (5,8 %), plus de 4,6 millions de personnes occupent un emploi, mais le taux de roulement atteint près de 24 %. Les raisons ? Toujours les mêmes : salaires jugés insuffisants, gestion déficiente, absence de reconnaissance et manque de perspectives claires.
En Ontario, il a même fallu légiférer pour obliger les employeurs à répondre aux candidats après une entrevue. Un geste de simple respect, mais qui démontre la lenteur d’évolution des pratiques RH. Malgré l’abondance de recherches, certaines organisations n’agissent qu’une fois contraintes.
La pandémie a accéléré certaines transformations, comme le télétravail, la flexibilité et la quête de sens. Mais le cœur du problème reste inchangé : les employeurs savent quoi faire, les chercheurs le répètent depuis un siècle, et les employés continuent de le réclamer.
En 2025, le défi n’est pas le manque d’information. C’est le courage d’agir. Les décideurs RH doivent dépasser les tactiques dispersées et adopter une vision cohérente et structurée. Trois leviers demeurent incontournables :
- Culture et marque employeur
- Rémunération et avantages flexibles
- Expérience employé et développement continu
La vraie question est simple : qu’attendons-nous pour appliquer enfin ce que nous savons depuis 100 ans ?
Culture forte et marque employeur crédible
Une culture forte n’est pas un slogan. C’est une réalité vécue chaque jour.
Trop d’organisations affichent des valeurs sans les incarner. Les employés, eux, n’y croient plus sur parole. Ils observent la cohérence entre le discours et les actions. Lorsqu’ils constatent un écart, ils quittent.
La marque employeur devient donc centrale. Non pas dans sa version marketing, mais dans sa dimension vécue. Ce qui fidélise un employé, ce n’est pas une campagne LinkedIn, mais la reconnaissance d’un gestionnaire, la transparence des communications et la fierté de contribuer à une organisation qui tient ses promesses.
Richard DesRochers l’a montré avec la Pyramide RH : fidéliser, c’est répondre aux besoins fondamentaux.
- Sécurité : salaire, avantages, horaires stables
- Appartenance : mentorat, reconnaissance, intégration
- Estime : feedbacks fréquents, progression de carrière
- Réalisation : autonomie, projets porteurs de sens
Cet outil donne un cadre structurant pour hiérarchiser les actions et éviter la dispersion.
Actions à poser dès maintenant :
- Consultez la pyramide RH — Les secrets du marketing RH : Fusionner stratégie et attractivité employeur avec la Pyramide RH, 29 juillet 2024
- Clarifiez vos valeurs et incarner-les à chaque décision.
- Formez vos gestionnaires au leadership positif.
- Célébrez les réussites individuelles et collectives.
- Diffusez des témoignages authentiques d’employés satisfaits.
Rémunération juste et avantages flexibles
Le salaire demeure la première raison de départ. Mais il n’est qu’une partie de l’équation.
Au Québec, la rémunération insuffisante explique encore la majorité des départs. Mais même avec des hausses, la fidélisation échoue si l’équilibre travail-vie personnelle est absent. Aujourd’hui, la flexibilité est devenue un droit tacite.
Le télétravail et les horaires souples ne sont plus des bonus. Ils constituent une norme attendue. Les organisations qui refusent d’adapter leurs pratiques risquent de perdre leurs talents au profit de concurrents plus flexibles.
Les avantages sociaux doivent aussi évoluer : assurance santé élargie, programmes de mieux-être, congés adaptés. Ce ne sont pas des dépenses, mais des investissements. Ils démontrent un respect concret des besoins des employés et renforcent la fidélité.
Actions à poser dès maintenant :
- Révisez vos grilles salariales chaque année selon le marché.
- Offrez une flexibilité réelle (hybride, télétravail, horaires variables).
- Intégrez des programmes de mieux-être accessibles.
- Valorisez la conciliation travail-vie personnelle dans vos communications.
Expérience employé et développement continu
La fidélisation ne se joue pas seulement à l’embauche. Elle se construit chaque jour. L’expérience employé commence dès l’intégration. Un accueil bâclé envoie déjà un mauvais signal. À l’inverse, un processus structuré avec mentorat renforce l’appartenance.
Le développement professionnel est un autre pilier majeur. Trop d’employés quittent parce qu’ils ne voient pas de perspectives. Offrir des plans de carrière clairs, des feedbacks réguliers et des formations pertinentes transforme la perception du travail.
Un employé qui progresse et se sent soutenu restera plus longtemps. À l’inverse, un employé qui stagne partira dès la première offre concurrente.
Actions à poser dès maintenant :
- Offrez un programme de mentorat formel et structuré.
- Donnez de la visibilité sur les parcours de carrière possibles.
- Organisez des rencontres régulières de feedback.
- Investissez dans la formation continue et adaptée.
À retenir…
La fidélisation des employés n’est pas une mode. C’est un sujet vieux de 100 ans. Depuis les expériences de Hawthorne, nous savons que les employés recherchent bien plus qu’un salaire : ils veulent de la reconnaissance, de la cohérence et des perspectives.
Au Québec, le roulement élevé (24 %), le marché tendu et la quête de sens des nouvelles générations obligent à agir. La fidélisation ne peut plus être vue comme une simple fonction RH. C’est un impératif stratégique qui engage directement la performance, la réputation et la survie organisationnelle.
Trois leviers doivent guider l’action :
- La culture et la marque employeur, vécues au quotidien.
- La rémunération et la flexibilité, adaptées aux attentes modernes.
- L’expérience employé et le développement, pensés comme un parcours continu.
La question n’est plus « quoi faire ? ». Nous le savons depuis un siècle. La vraie question est : aurons-nous le courage de mettre enfin ces solutions en œuvre ?
Les employeurs qui s’accrochent aux anciennes pratiques deviendront rapidement obsolètes. Ceux qui osent évoluer se démarqueront, attireront les talents et bâtiront une réputation solide.
En 2025, fidéliser n’est plus une option. C’est la condition essentielle pour assurer la pérennité et la compétitivité des organisations québécoises.
Références officielles
- ISQ – Enquête sur la population active, Québec, mai-juin 2025
- Statistique Canada – Le Quotidien, marché du travail, juin 2025
- BDSO (ISQ) – Indicateurs du marché du travail, Québec
- UMQ – Analyses sur la pénurie de main-d’œuvre municipale
- CIRANO — État du marché du travail au Québec 2025
- CRHA – Prévisions salariales et tendances RH 2025
- Desrochers, R. — Les secrets du marketing RH : Fusionner stratégie et attractivité employeur avec la Pyramide RH, 29 juillet 2024