Comprendre la logorrhée numérique pour protéger le bien-être des employés au Québec.
En 2025, le Québec vit une transformation numérique sans précédent. Près de 83 % des adultes québécois utilisent au moins un réseau social en usage personnel. L’usage fréquent des écrans et des médias sociaux influence non seulement la vie privée, mais aussi le milieu de travail. Des enquêtes révèlent que l’emploi excessif ou compulsif des plateformes sociales peut être relié à des signes de stress, d’anxiété, de dépression ou à une mauvaise qualité de sommeil.
Les ressources humaines au Québec font face à des défis nouveaux : comment encadrer les comportements en ligne pour préserver le professionnalisme et la santé mentale des employés, sans basculer dans la censure. Le « phénomène Charlie Kirk » (et d’autres) mettent en lumière la tentation, chez certains influenceurs ou employés, de commenter tout événement public, y compris les décès, souvent avec peu de filtre.
Ce type de comportement, qu’on peut nommer « logorrhée numérique », peut nuire à l’image de l’organisation, mais aussi occasionner des détresses personnelles pour les salariés.
Cet article définit la logorrhée numérique, explore ses effets au Québec, et propose trois axes d’action concrets que les RH peuvent adopter pour prévenir ce phénomène dans les organisations.
Qu’est-ce que la logorrhée numérique ?
La logorrhée numérique désigne un besoin excessif de publier, commenter ou partager du contenu en ligne (dans les médias sociaux, forums, réseaux professionnels) sans filtre, souvent pour attirer l’attention ou répondre au besoin de reconnaissance sociale. Ce comportement se distingue de l’usage « normal » des réseaux sociaux par sa fréquence élevée, son caractère impulsif, et parfois ses conséquences négatives.
Selon les recherches québécoises, l’usage problématique des médias sociaux est associé à :
- Une augmentation des symptômes d’anxiété et de dépression chez les adolescents et jeunes adultes.
- Des troubles du sommeil, notamment chez les jeunes qui utilisent leur téléphone ou consultent les médias sociaux avant de dormir.
- Un sentiment d’envie ou de comparaison sociale, ce qui peut nuire à l’estime de soi.
Étude de cas – Donald Trump et la logorrhée numérique
Un exemple frappant est celui de Donald Trump. Sans poser de diagnostic médical, on peut constater que son style de communication correspond souvent à un discours logorrhéique : abondant, répétitif et parfois décousu.
Sur les réseaux sociaux, il a publié des milliers de messages, souvent impulsifs et sans filtre. Ce flot continu a saturé l’espace médiatique, polarisé l’opinion publique et créé un climat d’exposition permanente. Malheureusement, certains tentent de reproduire ce style, avec des effets négatifs sur la crédibilité.
Cet exemple démontre comment la logorrhée numérique, lorsqu’elle est amplifiée par la portée mondiale des plateformes, peut devenir un enjeu non seulement individuel, mais aussi organisationnel et sociétal.
Différences avec d’autres concepts
Concept | Différence principale par rapport à la logorrhée numérique |
Usage intensif vs usage problématique | Un usage intensif n’est pas nécessairement problématique s’il ne nuit pas au bien-être ou au fonctionnement. |
Cyberdépendance (ou addiction aux médias) | Implique des symptômes comportementaux semblables à ceux de l’usage problématique, souvent avec perte de contrôle. |
Désinhibition en ligne | Fait partie du mécanisme : anonymat / distance / immédiateté favorisent la publication impulsive. |
Éléments-clés de reconnaissance
- Besoin compulsif de commenter, de réagir, de publier sans réfléchir
- Conflit entre vie privée / vie professionnelle à cause de publications inappropriées
- Effets négatifs personnels : fatigue mentale, stress, perturbation du sommeil
Actions possibles pour les RH
- Développer une définition claire et partagée de ce qu’est l’usage problématique dans le contexte de l’organisation
- Sensibiliser les employés à l’effet des médias sociaux sur la santé mentale et les relations de travail
- Intégrer des clauses de bon usage dans le règlement intérieur ou le code de conduite
Impacts sur le milieu de travail de l’usage excessif des médias sociaux
Le phénomène de l’usage excessif des médias sociaux et de l’exposition constante à des contenus publics peut entraîner des répercussions concrètes en entreprise :
- Diminution de productivité : distraction, perte de concentration quand un employé lit ou répond à des commentaires pendant les heures de travail.
- Conflits interpersonnels : désaccords ou malaises liés à des propos publics ou privés exprimés sur les médias sociaux, parfois divulguant des opinions sensibles ou polarisées.
- Usure psychologique : stress lié au jugement social, à la peur du ridicule, à la comparaison constante. Les études canadiennes pointent que l’usage problématique des médias sociaux s’associe à une baisse du bien-être psychologique.
- Risques réputationnels : une publication inappropriée par un employé peut nuire à la réputation de l’organisation, surtout dans le contexte médiatique actuel où tout se partage très vite.
Coût économique et institutionnel
Bien que les coûts précis au Québec pour la logorrhée numérique ne soient pas encore largement quantifiés, des données sur la santé mentale au travail montrent que :
- Le stress et l’anxiété entraînent des arrêts de travail, une productivité réduite
- Selon l’INSPQ, l’usage élevé des écrans (y compris médias sociaux) est associé à une santé mentale languissante.
- Les politiques de médias sociaux mal définies peuvent générer des litiges ou des plaintes internes.
Actions pour limiter les impacts
- Créer une politique de médias sociaux claire (ce que les employés peuvent / ne peuvent pas faire)
- Former les gestionnaires pour repérer les signes de détresse ou de surusage chez les employés
- Intégrer des activités de bien-être numérique (pauses, déconnexion, ateliers)
Stratégies préventives et de protection
Ce que les RH et les institutions peuvent mettre en œuvre
Les meilleures pratiques combinent prévention, information, encadrement, tout en préservant le respect de la personne :
1. Politique d’utilisation des médias sociaux
- Définir les attentes en termes de comportement en ligne, en dehors et pendant le travail.
- Inclure les valeurs de l’organisation, la confidentialité, le respect, la modération.
2. Formation et sensibilisation
- Offrir des ateliers sur la santé mentale numérique, la gestion de l’image en ligne.
- Sensibiliser aux notions de « fatigue numérique », de comparaison sociale, de sommeil perturbé.
3. Support aux employés
- Offrir des ressources (ligne d’écoute, counselling, coaching) quand usage excessif ou détresse apparaît.
- Encourager les périodes de déconnexion (fin de semaine, après les heures, vacances).
4. Culture organisationnelle
- Valoriser le professionnalisme, la retenue, la discrétion publique.
- Modéliser des comportements sains par les dirigeants.
5. Évaluation et suivi
- Mesurer périodiquement le bien-être des employés : sondages, entretiens.
- Observer les usages numériques au travail : sont-ils excessifs ? nuisent-ils à l’engagement ?
Points d’action concrets
- Rédiger ou mettre à jour un code de conduite numérique en entreprise
- Planifier un atelier annuel sur le bien-être numérique pour tous les employés
- Mettre en place un « jour sans médias sociaux » ou encourager des pauses sans écran
- Offrir à chaque employé un guide sur l’usage sain des réseaux sociaux
À retenir…
La logorrhée numérique n’est pas un simple effet de mode : c’est un défi réel pour les organisations au Québec en 2025. Elle touche autant la santé mentale des employés que la cohésion interne, la productivité, et l’image externe. Pour les RH et les dirigeants, l’absence d’action équivaut à négliger un signal d’alerte.
Agir maintenant signifie :
- Reconnaître l’existence du phénomène en tant que risque organisationnel
- Mettre en place des politiques claires, proportionnées, et respectueuses de la personne
- Offrir de la formation et du soutien pour développer des compétences de résilience numérique
L’avenir du travail numérique sera sain autant que les organisations sauront équilibrer la liberté d’expression et la responsabilité. Les décideurs doivent faire preuve de leadership : agir, communiquer, mesurer et ajuster.
Références officielles
- Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Effets des écrans sur la santé mentale et physique.
- Statistique Canada. L’utilisation des médias numériques en ligne et la santé mentale.
- Ordre des psychologues du Québec. Usage des médias sociaux : état de la situation, cyberdépendance, usage responsable et pistes de solution.